La beauté du village et l'idiot du bâtiment

Il y a vraiment des jours où je trouve que la filière du bâtiment est irrécupérable... et que les politiques sont définies en dépit du bon sens. Tous les Grenelles, les Eco-Artisans, les HQE et autres chartes paysagères ne sauraient nous dispenser d'agir... sans oublier de réfléchir avant!
 
Comment se fait-il que le chauffage central soit encore légal dans les constructions neuves? On sait faire des bâtiments qui n'en ont pas besoin et ceci quasiment sans surcoût. Or nous continuons de fabriquer et vendre les mêmes systèmes de chauffage qu'à l'époque où l'occident était l'unique consommateur d'une énergie peu chère. Ce temps est révolu. Le pic pétrolier est passé depuis 2007. Alors il faut qu'on m'explique pourquoi le chauffage central c'est inutile, c'est cher, ça pollue mais c'est toujours en vigueur.
 
Qu'attend-on pour inciter à faire du bâtiment propre et non plus polluant? On pourrait moduler le taux de TVA, les conditions de prêts bancaires et les autorisations de construire... Mais aujourd'hui, mieux vaut construire des bâtiments imbéciles avec des matériaux polluants (c'est à dire avec du chauffage central) puisque tout le marché est organisé pour ça...
Même pire : les subventions poussent au crime. Plus le bâtiment est sobre, moins il a droit à l'aide publique!
 
Aujourd'hui, on subventionne surtout des appareils : PAC, PAC réversibles en clim', VMC double flux, chauffe-eau solaire, panneaux photovoltaïques et bien sur le chauffage central...Autant d'investissements qui engendrent des coûts une fois en service : entretien, réparation, consommations d'électricité, eau, durée de vie etc...
Par contre, on ne sait pas subventionner la créativité et l'intelligence mises au service d'une économie en matériaux, en appareils, en mise en oeuvre...
Dans notre agence, tout notre travail de conception vise à réduire les coûts de fonctionnement du bâtiment, à se passer le plus possible des appareils, à supprimer la clim et le chauffage central, à réduire des consommations électriques... Cela n'est nulle part encouragé par le système. On ne subventionne pas davantage les études thermiques en simulations dynamiques...
Voudrait-on que nous demeurions des idiots (et plus exactement des idiots qui payent) ?
 
Et que dire du massacre de nos paysages?
 
En Haute Loire, les maires autorisent des constructions dans des endroits merveilleux, intacts. A Queyrières, à Lantriac, à Cayres, à Chaspuzac, Saint Vidal etc... on construit dans des paysages époustouflants, des paysages de cartes postales, sur de bonnes terres arables. Et que deviennent-elles ces cartes postales? Que deviennent les terres arables? Qui les regardent se transformer? Qui voit et qui raconte ces paysages agricoles mités par des constructions de catalogue? Qui décrit ces lotissements goudronnés partant à l'assaut des montagnes?

Pourquoi ne se demande-t-on jamais : et moi, avec ma construction, que vais-je modifier dans ce paysage superbe? Quelle plus-value vais-je lui apporter? Quel supplément d'âme?...
 
Comment se fait-il que notre époque sépare l'acte de construire et l'amour du paysage?
Nous, architectes et paysagistes, pouvons nous restaurer la conscience de nos dessins, réconcilier notre créativité avec celle de la nature...?
Voilà peut-être une piste pour nous aider à changer, nous aider à apprendre à construire autrement,
nous, les idiots du bâtiment.